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    05/02/2016

    Casting raté pour le gouvernement

    Kevin Razy, égérie anti-conspi de Matignon pris la main dans le pot à complots

    Par Robin D'Angelo

    Pour mener sa campagne anti-conspi à destination des ados, Matignon a choisi Kevin Razy. Pas de bol pour le staff de Manuel Valls : le youtubeur star partageait il y a peu un apéro bio avec le gratin de la complosphère.

    L’erreur de casting fait un peu tache dans l’opération anti-conspi du gouvernement. Jeudi 2 février, Matignon a mis en ligne un site internet pour lutter contre les sites complotistes, avec en guest star le youtubeur Kevin Razy. La campagne, intitulée « On te manipule », doit permettre aux ados de décrypter les théories conspirationnistes, grâce à une vidéo virale du jeune humoriste.

    Mais peu avant le lancement de la campagne, le même Kevin Razy était l’invité vedette, cette fois, d’une web TV… conspirationniste ! De quoi donner le tournis au cabinet de Manuel Valls, à l’origine de l’opération anti-conspi.

    Une brochette de fans de Dieudo

    Avec ses 144.000 followers sur Twitter et ses millions de vues sur le web, Kevin Razy est le comique qui cartonne chez les 15 – 25 ans. Après avoir débuté sur Youtube, le voilà qui fait carrière sur Canal + ou au sein du Jamel Comedy Club.

    Le 7 janvier 2016, il était invité par la web-émission le Diner du Cercle pour parler du succès des youtubeurs. Autour d’un repas 100% vegan, quelques vedettes de la complosphère, invitées à échanger avec lui, comme les humoristes dissidents J’suis pas content et Terrene Trash.

    Assis à sa droite, le youtuber Le Débrancheur, spécialisé dans les clips anti francs-maçons et anti Nouvel Ordre Mondial. Ce dernier avait défrayé la chronique avec une vidéo où il invitait les collégiens à poser des questions à leurs professeurs sur les liens entre l’ascension d’Hitler et les Rothschild…

    Tout ce petit monde devise contre les médias ou à propos de l’attentat de Kennedy. Pendant ce temps-là Kevin Razy, lui, reprend des cacahuètes.

    Ce qu’il a dit

    Plus tôt, le comique s’était lui aussi embarqué sur des sujets aussi divers que les manipulations médiatiques ou Dieudonné. Extrait :

    « [A la télé], tu ne peux pas arriver from nowhere, débarquer et dire : “tiens, je vais commencer sur la Shoah, j’ai un truc à raconter.” »

    Et d’enchaîner :

    « C’est pour ça que Dieudonné a pu parler aussi longtemps. Il n’a pas commencé avec son sketch sur le colon israélien. Il a une carrière de ouf avant d’arriver à ce sketch-là. Quand t’es petit et tu commences par des trucs comme ça, c’est impossible de se développer. »

    Puis Raphaël Berland, un des deux animateurs de l’émission, y va de sa punchline :

    « Aujourd’hui, on peut douter de l’existence de Dieu mais on ne peut pas douter d’un certain nombre de chose, de la Shoah telle qu’on nous la racontée, du 11 septembre, des attentats de Charlie… Le doute est de moins en moins permis. »

    Désinformation, Bilderberg, lobby sioniste… Ce 7 janvier, c’était la fête du slip au Diner du Cercle ! Quand la fine équipe aborde le sujet de l’abstentionnisme, Kevin Razy fait une blagounette qui fait mouche sur son auditoire :

    « Dans abstentionniste, il y a sioniste ! »

    L’émission se termine avec un blind test. Le comique anti-conspi du gouvernement gagne la partie et remporte un cadeau des mains de Raphaël Berland … c’est une une kippa ! « Je suis content de vous rencontrer les gars, car je suis très triste (sic) de la plupart de mes collègues », s’emballe Kevin Razy. Avant de saluer le travail du youtubeur conspirationniste le Débrancheur « qui plonge son nez dans des centaines de bouquins. »

    Le Cercle des Volontaires, premier sur les théories conspi

    Mais quelle mouche a donc piqué Kevin Razy pour qu’il participe à cette émission ? Car le Cercle des Volontaires, qui organisait le débat, est un des principaux hubs de théories conspirationnistes en France. Sur ce site qui revendique 100.000 visiteurs, les articles du bloggeur Panamza, qui voit des juifs partout, ou ceux de Thierry Meyssan, pour qui les commanditaires des attentats contre Charlie Hebdo sont « à Tel-Aviv ou Washington ».

    Quant à l’animateur du média, Raphaël Berland, il était récemment invité en Syrie pour faire la promo de Bachar Al-Assad, après un premier voyage en Iran en 2014. Rencontré par StreetPress en avril dernier, il déclarait :

    « L’idéologie sioniste est aujourd’hui partagée par au minimum 50% des juifs de France. C’est la cinquième colonne parfaite. Israël peut s’appuyer sur ce réservoir de bons Français qui sont insoupçonnables pour nos services de contre-espionnage. »

    Une campagne nationale menée par Matignon

    Joint par StreetPress, Romain Pigenel, qui pilote la campagne anti-conspi de Matignon, est désagréablement surpris quand on lui apprend le passage de Kevin Razy au Cercle des Volontaires. « Est-ce qu’il était sur une posture douteuse ? », s’inquiète-t-il.

    Car pour ce programme, le gouvernement a mis les bouchées-doubles. Tout au long de l’année, le site « On te manipule » doit être alimenté en contenus tandis que, de Snapchat à Twitter, les services de Matignon doivent squatter les réseaux sociaux. Point culminant de la campagne : une journée organisée par le ministère de l’Éducation nationale, avec des classes et des intervenants. Et bien sûr, Kevin Razy. « “On te manipule”, ce n’est pas du one shot », insiste Pigenel, le communiquant de Matignon. « Il y a une stratégie de fond du gouvernement pour agir contre les théories du complot auprès d’un public jeune. »

    Pour la réalisation de la vidéo, le gouvernement a choisi comme prestataire la boite de production de Dailymotion, qui a engagé Kevin Razy. Matignon ne nous en dira pas plus sur le budget de l’opération.

    Sollicité à plusieurs reprises par StreetPress, l’humoriste de 28 ans n’avait toujours pas donné suite ce vendredi soir.

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